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Une amie nous a quitté

Une amie nous a quitté



Nous venons d’apprendre avec une grande de tristesse, le décès de Michèle Bernard-Requin



Michèle Bernard-Requin à la Chancellerie, en compagnie du Président de l’APEV



Magistrate, grandes figures du monde judiciaire, Présidente de Paris Aide aux Victimes de 1999 à 2002. Michèle Bernard-Requin, toujours soucieuse du droit des victimes, a soutenu l’APEV depuis sa création, et aidé un grand nombre de familles en leur expliquant les méandres de la justice.

Elle fut l’une des premières à préconiser l’accompagnement des victimes lors des procès d’assises. Lors de son allocution aux 30 ans de Paris Aide aux Victimes, elle a rappelé le fondement de l’aide aux victimes : l’humanité, ce dont elle a su faire preuve elle-même tout au long de sa carrière.

Elle fut tour à tour avocate, puis procureure à Rouen, Nanterre et Paris. En 1999, elle est nommée vice-présidente du TGI de Paris, elle présida la 10e chambre correctionnelle de Paris puis la cour d'assises, et enfin elle fut avocate générale à Fort-de-France de 2007 à 2009, date à laquelle elle prit sa retraite.

Depuis l'hôpital Sainte-Perrine à Paris, où elle se trouvait en soins palliatifs, Michèle Bernard-Requin a adressé au journal le Point son « ultime texte », un hymne au corps médical.

En hommage à son courage, nous le reproduisons ici dans son intégralité.


UNE ÎLE

 

Vous voyez d'abord, des sourires et quelques feuilles dorées qui tombent, volent à côté, dans le parc Sainte-Perrine qui jouxte le bâtiment.
La justice, ici, n'a pas eu son mot à dire pour moi.
La loi Leonetti est plus claire en effet que l'on se l'imagine et ma volonté s'exprime aujourd'hui sans ambiguïté.
Je ne souhaite pas le moindre acharnement thérapeutique.
Il ne s'agit pas d'euthanasie bien sûr mais d'acharnement, si le cœur, si les reins, si l'hydratation, si tout cela se bloque, je ne veux pas d'acharnement.
Ici, c'est la paix.
Ça s'appelle une « unité de soins palliatifs », paix, passage… Encore une fois, tous mes visiteurs me parlent immédiatement des sourires croisés ici.
« Là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté ».
C'est une île, un îlet, quelques arbres.
C'est : « Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur d'aller, là-bas, vivre ensemble ». C'est « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans » (« Spleen ») Baudelaire.

Voilà, je touche, en effet, aujourd'hui aux rivages, voilà le sable, voilà la mer.
Autour de nous, à Paris et ailleurs, c'est la tempête : la protestation, les colères, les grèves, les immobilisations, les feux de palettes.
Maintenant, je comprends, enfin, le rapport des soignants avec les patients, je comprends qu'ils n'en puissent plus aller, je comprends, que, du grand professeur de médecine, qui vient d'avoir l'humanité de me téléphoner de Beaujon, jusqu'à l'aide-soignant et l'élève infirmier qui débute, tous, tous, ce sont d'abord des sourires, des mots, pour une sollicitude immense. À tel point que, avec un salaire insuffisant et des horaires épouvantables, certains disent : « je préfère m'arrêter, que de travailler mal » ou « je préfère changer de profession ».Il faut comprendre que le rapport à l'humain est tout ce qui nous reste, que notre pays, c'était sa richesse, hospitalière, c'était extraordinaire, un regard croisé, à l'heure où tout se déshumanise, à l'heure où la justice et ses juges ne parlent plus aux avocats qu'à travers des procédures dématérialisées, à l'heure où le médecin n'examine parfois son patient qu'à travers des analyses de laboratoire, il reste des soignants, encore une fois et à tous les échelons, exceptionnels.
Le soignant qui échange le regard.
Eh oui, ici, c'est un îlot et je tiens à ce que, non pas, les soins n'aboutissent à une phrase négative comme : « Il faut que ça cesse, abolition des privilèges, il faut que tout le monde tombe dans l'escarcelle commune. » Il ne faut pas bloquer des horaires, il faut conserver ces sourires, ce bras pour étirer le cou du malade et pour éviter la douleur de la métastase qui frotte contre l'épaule.
Conservons cela, je ne sais pas comment le dire, il faut que ce qui est le privilège de quelques-uns, les soins palliatifs, devienne en réalité l'ordinaire de tous.
C'est cela, vers quoi nous devons tendre et non pas le contraire.
Donc, foin des économies, il faut impérativement maintenir ce qui reste de notre système de santé qui est exceptionnel et qui s'enlise dramatiquement.
J'apprends que la structure de Sainte-Perrine, soins palliatifs, a été dans l'obligation il y a quelques semaines de fermer quelques lits faute de personnel adéquat, en nombre suffisant et que d'autres sont dans le même cas et encore une fois que les arrêts de travail du personnel soignant augmentent pour les mêmes raisons, en raison de surcharges.
Maintenez, je vous en conjure, ce qui va bien, au lieu d'essayer de réduire à ce qui est devenu le lot commun et beaucoup moins satisfaisant.
Le pavillon de soins palliatifs de Sainte-Perrine, ici, il s'appelle le pavillon Rossini, cela va en faire sourire certains, ils ne devraient pas : une jeune femme est venue jouer Schubert dans ma chambre, il y a quelques jours, elle est restée quelques minutes, c'était un émerveillement. Vous vous rendez compte, quelques minutes, un violoncelle, un patient, et la fin de la vie, le passage, passé, palier, est plus doux, c'est extraordinaire.
J'ai oublié l'essentiel, c'est l'amour, l'amour des proches, l'amour des autres, l'amour de ceux que l'on croyait beaucoup plus loin de vous, l'amour des soignants, l'amour des visiteurs et des sourires.
Faites que cette humanité persiste ! C'est notre humanité, la plus précieuse. Absolument.
La France et ses tumultes, nous en avons assez.
Nous savons tous parfaitement qu'il faut penser aux plus démunis. Les violences meurtrières de quelques excités contre les policiers ou sur les chantiers ou encore une façade de banque ne devront plus dénaturer l'essentiel du mouvement : l'amour.




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