La Lettre de l'APEV Numéro 54 - février 2013

Date : Friday 01 March 2013 @ 00:02:32 :: Sujet : La vie de l'Association






Lettre n°54 - février 2013


Conférence de consensus sur la prévention de la récidive, les 14 et 15  février 2013

Madame Christiane Taubira, Ministre de la Justice, a lancé, au mois de septembre dernier, une Conférence de consensus sur l’efficacité des réponses pénales visant à mieux prévenir la récidive. Avec pour objectif d’établir un état des lieux des connaissances, tant en France qu’à l’étranger, et de rechercher les mesures de prévention les plus efficaces.

Marie-José et Alain Boulay, représentant l’APEV, ont été auditionnés par le comité d’organisation composé de magistrats, de chercheurs et de professionnels de la justice, présidé par Nicole Maestracci, Première Présidente près de la cour d’appel de Rouen, laquelle avait posé comme préalable qu’aucune politique « ne peut s’installer dans la durée si elle ne s’appuie pas sur un socle de connaissances scientifiquement validées et sur des choix compris et partagés par le plus grand nombre ».

La conférence s’est tenue les 14 et 15 février à la Maison de la Chimie, à Paris, au cours de laquelle de nombreux experts sont intervenus. Des mesures mises en œuvre au Canada, en Angleterre, en Belgique, en Suisse ont été présentées. Il convient de souligner la qualité de l‘ensemble des intervenants et la volonté de chacun de trouver des solutions efficaces.

Marie-José Boulay est intervenue en tant qu’expert pour présenter les réflexions de l’APEV et faire partager son expérience de rencontres détenus/victimes à la Centrale de Poissy en 2010. La justice restaurative est un moyen qui peut permettre de diminuer la récidive, tout en apportant certaines réponses aux victimes.

Le jury de cette conférence de consensus devait dégager des recommandations pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive. Le comité d’organisation a désigné les membres de ce jury en fonction de leur diversité et de leur différence, afin d’enrichir ainsi leurs analyses et leurs propositions. Nous ne pouvons que regretter la faible sollicitation des victimes et des associations de victimes, aussi bien dans la composition du comité d’organisation, que lors des auditions, parmi les experts et les membres du jury.

Cette conférence de consensus a-t-elle atteint son but ? On ne peut qu'adhérer à la nécessité de redéfinir le sens de la peine, de remettre de l"humain" au sein du monde carcéral, de recréer du lien social pendant et après l'incarcération pour favoriser la réinsertion des détenus, seuls à même de limiter la récidive. Mais on peut tout de même regretter l’absence de contradiction pour proposer aux membres du jury un véritable choix, et trouver un réel « consensus ».

On ne peut pas non plus passer sous silence la volonté d’annuler certaines mesures actuellement en vigueur, sans qu’elles aient fait l’objet d’une évaluation objective préalable. C’est d’autant plus étonnant que le déficit d'évaluation a été souligné par l’ensemble des intervenants à la conférence, et par la ministre de la justice elle-même lors de son discours inaugural.

Le 20 février dernier, le jury a remis, au Premier Ministre et au Garde des Sceaux, un rapport contenant 12 recommandations en 100 points. Sans analyser en détail chacune des mesures préconisées, nous avons retenu ici celles qui nous interpellaient tout particulièrement.

Comment ces recommandations seront-elles intégrées dans les futurs projets de lois, des moyens nouveaux seront-ils trouvés pour pouvoir les mettre efficacement en œuvre ? L’avenir nous le dira.
Nous resterons vigilants afin que les victimes ne soient pas oubliées dans le projet de réforme de la loi pénale.

Paroles de détenus, et celles des victimes ?

La parole a été donnée à plusieurs détenus venus rapporter les conclusions des réflexions menées par des groupes de condamnés au sein de leur établissement pénitentiaire, sur l’amélioration de la vie carcérale. La vie en prison est certainement difficile et l’insalubrité de certains établissements  est inadmissible ; l’amélioration des conditions de détention peut effectivement faciliter la réinsertion et donc limiter la récidive. Par contre, il est regrettable que ces détenus ne se soient considérés que comme victimes du système.

La parole des victimes a tout autant de valeur, elle méritait aussi d'être entendue. Nous aurions aimé que des victimes de tous types d’agression puissent partager leur vécu, leur souffrance, la lourdeur de la procédure, l’épreuve du procès, leur inquiétude à la sortie de leur agresseur avec la crainte de croiser son chemin.
Chaque point de vue est légitime, la parole des victimes aurait aussi pu éclairer le jury dans le choix des recommandations.

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Extrait de l’intervention de Marie-José Boulay

Tous les parents de l’association se sentent concernés par la lutte contre la récidive, tous ont prononcé un jour cette phrase « plus jamais ça ». Si nous pensons que certains grands criminels, heureusement peu nombreux, irrécupérables, ont toute leur place en prison, nous sommes conscients que la majorité des condamnés va réintégrer la société. Il faut que cela se passe dans les meilleures conditions possibles, pour éviter un nouveau passage à l’acte.

Les mesures de lutte contre la récidive que nous avons proposées sont essentiellement basées sur une présence humaine, encadrant le détenu à sa sortie de prison.
Malheureusement depuis de nombreuses années, le manque criant de moyens a empêché nombre de dispositifs de faire leur preuve. Un dispositif de prévention sans vote du budget nécessaire pour l’appliquer et sans tenir compte des moyens dont on dispose est un dispositif inutile, voué à l’échec.

En cette période de restriction budgétaire drastique, nous craignons malheureusement que cette situation ne se prolonge.

Principales mesures préconisées :

  •  Supprimer les crédits de remises de peine automatiques au profit de libérations conditionnelles bien encadrées.
  • Assurer la continuité entre les différents dispositifs milieu fermé /milieu ouvert.
  • Evaluer et suivre les programmes mis en œuvre.
  • Restreindre le champ d’application du suivi socio-judiciaire aux cas les plus graves.
  • Permettre l’utilisation d’outils issus de la justice restaurative comme les rencontres détenus/victimes ou les cercles de soutien et de responsabilité.
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RECOMMANDATIONS

Recommandation 6 : le jury recommande d’écarter toute disposition à caractère automatique
Recommandation 8 : le jury recommande l’adoption d’un système de libération conditionnelle d’office.

Un principe de base a été énoncé clairement par la Garde des Sceaux Christiane Taubira dans son discourt introductif et repris à de nombreuses occasions tout au long de ces 2 jours par de nombreux intervenants : « Supprimer tout automatisme de la justice, individualisation de la peine et des mesures d’aménagement des peines. »

Pourtant le jury recommande l’adoption d’un système de libération conditionnelle d’office.
Peut-on à la fois demander l’individualisation de la peine et l’automatisation de l’aménagement de cette peine ?


Recommandation 4 :
instaurer une peine de probation

Point 21 : A titre de principe, le jury estime que le non-respect des règles et des conditions fixées dans le plan de probation n’entraînera pas automatiquement une « sanction-couperet » mais pourra appeler un effort pour mieux accompagner le condamné. Les études menées sur les processus de sortie de délinquance (désistance) montrent que la réitération occasionnelle n’implique pas l’abandon du processus mais en fait au contraire souvent partie. Toutefois, la non-observation persistante des règles de probation, constatée par le juge d’application des peines dans le cadre d’un débat contradictoire, constituera un délit qui pourra justifier un renvoi devant un tribunal.

Point 83 : La réitération de certains actes délinquants doit être considérée comme faisant partie intégrante du processus de sortie de délinquance et traitée en conséquence.

Même si nous admettons que la peine de probation peut être une bonne réponse à certaines infractions, il est extrêmement choquant d’afficher ainsi l’acceptation de la réitération des actes.


Recommandation 10 :
supprimer les mesures de sûreté

Point 75 : Le jury recommande donc de supprimer les mesures de surveillance de sûreté et de rétention de sûreté, et de concentrer les efforts sur la surveillance judiciaire.


Le placement sous surveillance judiciaire ne peut excéder une durée correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont la personne condamnée a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait.

Il peut être suivi dans certains cas d’infractions et de condamnations par une surveillance de sûreté pour une durée d'un an. La surveillance de sûreté peut être prolongée selon les mêmes modalités et pour la même durée si les conditions de son attribution demeurent remplies.

La surveillance de sûreté permet donc de suivre sur de plus longues périodes, les individus n’ayant pas évolué dans leur comportement, dont le risque de récidive est élevé. Alors pourquoi se priver d’un outil de suivi qui certes, du moins nous l’espérons, ne concerne pas le plus grand nombre, mais permet de traiter les cas extrêmes ?










Cet article provient de APEV, Aide aux Parents d'Enfants Victimes

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