La Lettre de l'APEV numéro 60 - mai 2014

Date : Friday 30 May 2014 @ 12:37:06 :: Sujet : La vie de l'Association

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Lettre n°60 - Mai 2014


Le projet de réforme pénale

Le projet de loi sur « la prévention de la récidive et l’individualisation des peines » sera présenté au parlement au mois de juin.
Nous ne pouvons qu’adhérer à ces objectifs, mais les mesures proposées seront-elles efficaces pour lutter contre la récidive, et les moyens humains et financiers seront-ils à la hauteur des enjeux, pour surveiller et accompagner les sortants de prison ?

Nombre de condamnations par an en France : 600.000 délits, 2.500 crimes.




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Lettre n°60 - Mai 2014


Le projet de réforme pénale

Le projet de loi sur « la prévention de la récidive et l’individualisation des peines » sera présenté au parlement au mois de juin.
Nous ne pouvons qu’adhérer à ces objectifs, mais les mesures proposées seront-elles efficaces pour lutter contre la récidive, et les moyens humains et financiers seront-ils à la hauteur des enjeux, pour surveiller et accompagner les sortants de prison ?

Nombre de condamnations par an en France : 600.000 délits, 2.500 crimes.

Quelles sont les principales mesures de ce projet ? :

¤ « La contrainte pénale » : nouvelle peine en « milieu ouvert » visant à mieux contrôler la personne condamnée, réservée aux individus ayant commis des délits passibles d’un maximum de 5 ans d’emprisonnement.
L’APEV n’est pas opposée à une telle mesure ne concernant que les délits, mais propose d’exclure les attaques aux personnes de son champ d’application. Il faudrait également s’assurer d’un véritable suivi, pour que cette peine ne devienne pas un « cadeau » au petit délinquant et une incitation à la récidive.

¤ « La libération sous contrainte » prévoit l’examen systématique de la situation de toutes les personnes condamnées lorsqu’elles ont effectué les 2/3 de leur peine. La personne pourra sortir avec une série d’obligations, un suivi et un contrôle.
Cette mesure est une libération conditionnelle qui ne dit pas son nom, elle devient « systématique » en contradiction avec la notion d’individualisation de la peine contenue dans le projet de loi.
Cette mesure est prévue pour tous les condamnés, aussi bien les délinquants que les criminels. Pour les longues peines, elle ne tient pas compte de la durée de la peine de sûreté, et compte tenu des remises de peine, elle permettra par exemple à un individu condamné à 20 ans d’incarcération de pouvoir sortir au bout de 8 ans au lieu de 10 actuellement. Ce n’est pas acceptable.

Nous sommes conscients que les sorties en fin de peine présentent un taux de récidive deux fois plus élevé, faute de suivi, que dans le cadre d'un aménagement de peine. Malheureusement, le système actuel de réductions de peine (Crédit de remise de peine, réduction de peine supplémentaire, réduction de peine exceptionnelle, …) débouche sur un grand nombre de « sorties sèches », certains détenus préférant attendre la fin de peine plutôt que demander une libération conditionnelle.
Ne serait-il pas judicieux de transformer toutes les remises de peine en « remises de peines conditionnelles », ce qui laisseraient au Juge de l’Application des Peines la possibilité d’adapter les contraintes et la surveillance en fonction de la personnalité de l’individu au moment de sa sortie de prison, tout en conservant la valeur symbolique de la peine prononcée lors du jugement.

La première étape serait de supprimer le crédit de remise de peine accordé dès l'entrée en prison, et d’attribuer les réductions de peine au fil du temps comme cela se faisait il y a quelques années, afin de redonner tout son sens à la peine prononcé.

¤ La suppression des « peines planchers » : Il est difficile de savoir si ce dispositif a permis ou non de réduire la récidive, mais pourquoi vouloir supprimer un système pouvant être utile dans certains cas, et qui ne déroge en rien à l’individualisation des peines. Le juge peut en outre ne pas appliquer la « peine plancher » si la situation particulière le justifie.

¤ L’information de tous services de police et de gendarmerie du lieu de résidence des personnes en libération conditionnelle. Cette mesure paraît évidente pour assurer un contrôle plus efficace.

¤ Nous avons noté que ce projet de loi ne contient aucune mesure concrète en direction des victimes, seul y figure le rappel de certains droits fondamentaux déjà existants mais trop souvent bafoués par les magistrats chargés de les appliquer : droit à saisir l’autorité judiciaire, droit à la réparation de son préjudice, droit à l’information, droit à la sûreté et à la tranquillité.



Certaines propositions formulées par l’APEV pourraient être intégrées dans ce projet de loi pour une meilleure lutte contre la récidive, et répondre aux attentes des victimes.

1. Aucun criminel ne devrait pouvoir échapper à la justice

¤ Modification de la durée de prescription pour les crimes de sang.
Il y a actuellement une grande hypocrisie face aux grands criminels découverts longtemps après les faits. Les magistrats doivent trouver des artifices pour pouvoir les juger. L’APEV demande l’extension de la durée de prescription actuelle de 10 ans à 30 ans comme pour les actes de terrorisme et le trafic de stupéfiants.

¤ Modification de la notion « d’erreur de procédure » toujours favorable au criminel, au mépris de la vérité et de la protection de la société.
Oubli d’une signature, dépassement d’un délai, manque d’encre dans un fax … Comment, pour des raisons techniques et administratives, peut-on admettre de laisser libres des criminels ?
Un grand nombre d’avocats n’ont que ce moyen (le vice de procédure) pour défendre leur client et lui permettre d’échapper à la justice. Est-ce une bonne justice ?
L’APEV propose la mise en place d’une procédure de rattrapage confiée à un comité de magistrats, qui déterminera si ce « vice de forme » masque ou déforme la vérité et décidera s’il est recevable ou non.

¤ Possibilité de rejuger un individu acquitté à tort, lorsque des « éléments nouveaux » prouvent sa culpabilité, même de nombreuses années après le jugement : l’APEV propose d’étendre la procédure de « révision du procès » prévue actuellement pour les personnes condamnées à tort.


2. Amélioration du droit des victimes

¤ Modification de la procédure d’indemnisation des victimes, par la prise en compte de l’intégralité des frais, et le paiement automatique de la totalité des dommages et intérêts alloués lors du procès pénal.

¤ Lors des procès d’assises, motivation de toutes les décisions d’acquittement, afin que les victimes puissent mieux les comprendre,

¤ Lors de la phase d’exécution de la peine, laisser le choix à la victime d’être informée ou non. Et, uniquement si elle le souhaite, que le juge de l’application des peines puisse recueillir ses observations avant toute mesure d’aménagement de la peine.


LES ACTIONS DE L'APEV

Assemblée Générale MCE




Le 25 avril, le président de l’APEV a représenté l’association à l’Assemblée Générale de la fédération européenne Missing Children Europe à Bruxelles.
Nous sommes heureux que le CFPE-Enfants Disparus gérant en France le numéro de téléphone européen pour les enfants disparus, le 116000, ait été accepté en tant que membre de la fédération.
MCE compte maintenant 30 ONG, dont l’APEV, représentant 25 pays européens.

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Les interventions de l'APEV

* Le 4 mars, à la Faculté de médecine de l’Université de Lyon, Alain Boulay est intervenu auprès des étudiants préparant le diplôme interuniversitaire de victimologie dirigé par Liliane Daligand.

* L’APEV est souvent sollicitée par les Centres de Formation de la Police Nationale, lors des stages «disparitions inquiétantes de personnes » :
- le 18 décembre 2013 à Draveil (Alain Boulay)
- le 7 février à Rennes (Patrick Myran)
- le 9 avril à Lyon (Alain Boulay)
* Le président de l’APEV, membre de la CPMS à Paris (Commission Pluridiciplinaire des Mesures de Sûreté), participe régulièrement aux réunions de la commission qui doit émettre un avis sur les demandes d’aménagement de peine formulées par les personnes purgeant une peine d’au moins 15 ans d’incarcération. Lors de ces réunions, il a pu constater, à plusieurs reprises, que certains condamnés préfèrent retirer leur demande de libération conditionnelle, afin de sortir en fin de peine quelques mois plus tard sans aucune contrainte, plutôt que d'être libérés plus tôt, mais de devoir se soumettre à des obligations.

* Participation régulière du président de l’APEV aux travaux du Conseil National de l’Aide aux Victimes, le CNAV, à la Chancellerie en présence de la Garde des Sceaux Christiane Taubira.
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Publication

« Les victimes : une juste reconnaissance », par Alain Boulay dans la revue Projet
Cliquez ici pour avoir accès à cet article.

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Assemblée générale annuelle

L'Assemblée Générale de l'APEV s'est tenue à Issy-les-Moulineaux le 12 avril 2014. Une quarantaine de personnes était présente.
Le matin, un exposé de Maître Claude Lienard sur l'indemnisation des victimes a fortement intéressé le public. L'indemnisation est la réparation que la société apporte aux victimes. L'Etat doit la sécurité aux citoyens et particulièrement aux victimes, il se substitue à l'auteur des dommages causés pour offrir réparation aux victimes à travers la CIVI, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction. La réparation doit être intégrale, c’est-à-dire doit inclure : le remboursement des frais engagés, la prise en compte du préjudice d'affection, l’évaluation des dommages psychiques, au travers d’une procédure rigoureuse que seul un avocat expérimenté dans ce domaine peut mener, avocat qui n'est pas obligatoirement celui du procès pénal.

Un déjeuner a réuni ensuite les familles et les bénévoles présents.

L'après-midi a été l'occasion d'un échange libre entre les familles.

COLLOQUES

Les membres de l’APEV ont participé à plusieurs colloques et journées de réflexions.

8e Rencontres parlementaires sur les prisons

Le 17 décembre 2013, ont eu lieu à Paris les « 8émes rencontres parlementaires sur les prisons » animées par Joaquim Pueyo, et une intervention de Madame Christiane Taubira Garde des Sceaux avec pour thème la réforme pénale.
L’APEV était représentée par Annie Ghuysen et Jocelyne Grossin.

La création de la « contrainte pénale » appelée à se substituer à de nombreuses peines d'emprisonnement ne paraît pas entièrement satisfaisante telle qu'elle est présentée à ce jour : le droit arbitraire à cette peine, la rigidité du système judiciaire et pénal, la frilosité générale par rapport à l'action possible des associations, voire son rejet de la part des personnels, le manque criant de personnel d'accompagnement et sa formation, le manque de moyen, une adhésion mitigée de la population non préparée à vivre une telle réforme, rendent illusoire la réforme dans l'état actuel. Cependant, une des mesures phares du projet qui interdit les sorties sèches de prison, réclamée depuis longtemps, emporte l'approbation de tous, ainsi que la nécessité de redonner un sens et un contenu aux peines prononcées pour éviter les récidives.
L'après-midi un débat sur les conditions de vie et de travail en prison soulignait la nécessaire évolution des conditions d'incarcération.
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Avis de Recherche Odontologique Automatisé (AROA)

Le 10 avril 2014, l'APEV, représentée par Patrick Detre, a participé à la réunion de la Commission d'odontologie médico-légale qui s'est tenue au siège de l'Ordre National des Chirurgiens-Dentistes à PARIS.

Il s'agissait de faire un point sur l'avancement des travaux de conception de l'Avis de Recherche Odontologique Automatisé (AROA), système novateur en matière d'identification d'individus découverts sans identité, décédés ou vivants (amnésiques ou très jeunes enfants).
Il y a été annoncé que la CNIL avait répondu favorablement à la mise en place de ce projet qui, grâce à l'informatisation de 98% des 40 000 cabinets dentaires français, doit optimiser l'identification des personnes décédées sur la voie publique ou en milieu hospitalier sans que leur identité ait pu être établie.
Un des buts recherchés par la mise en œuvre de l'AROA, qui devrait être déployé au cours du second semestre de cette année, est aussi d'arriver à réduire le nombre d'inhumations sous X en rendant, après identification, les corps des défunts à des familles qui continuent d'attendre leurs proches dans la douleur.
Chaque année en France, on estime entre 800 et 1000 corps enterrés sans identité connue dans le carré des indigents des communes où ils ont été découverts.
Le but de la mise en œuvre de l'AROA n'est pas de concurrencer les identifications effectuées aujourd'hui grâce à l'ADN ou les empreintes digitales, mais de venir en complément lorsqu'elles se sont avérées, pour des raisons diverses, inefficaces. Ainsi, 70% des identifications des victimes françaises du tsunami thaïlandais de décembre 2005 ont été effectuées grâce aux dents alors que l'ADN n'y a contribué que pour 3%.
Cette information a été répercutée le 13 mai dernier à la Sous-direction de la police technique et scientifique où a été effectuée une présentation du système AROA afin que l'intégration de l'odontogramme dans le signalement des fiches des personnes disparues et des cadavres découverts sans identité qui sont contenues dans le Fichier des personnes recherchées (FPR) soit relancée.
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La justice du 21ème siècle




La Garde des Sceaux Christiane Taubira a engagé une réflexion d’ensemble sur les réformes judiciaires.
Les 10 et 11 janvier à la maison de l’UNESCO à Paris, Marie-José et Alain Boulay ont été invités à participer aux deux jours de débat sur « La justice du 21ième siècle : le citoyen au cœur du service public de la justice».
Ces réflexions devraient alimenter les réformes futures.

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Assemblée générale de l'ANJAP




En dépit de l’accroissement du parc pénitentiaire, les maisons d’arrêt françaises connaissent une situation de surpopulation depuis fort longtemps. Comment réagissent les magistrats ? Existe-t-il des pratiques judiciaires visant à limiter la surpopulation pénale ? Que font nos voisins européens ? Ce sont là quelques-unes unes des questions qui ont été abordées à l’occasion d’un colloque organisé par l’Association Nationale des Juges de l’Application des Peines sur le thème « Justice et surpopulation pénale », lors de leur Assemblée Générale, le 4 avril au Palais de Justice de Paris.

Après un historique de l’évolution de la surpopulation pénale, et son impact financier pour la collectivité, des expériences étrangères pour réduire cette surpopulation ont été présentées. Quelles solutions envisager ? La construction de nouvelles places de prison, la diminution de la durée des peines ou la mise en place d’un numerus clausus limitant le nombre d’incarcérations ? Le débat reste ouvert.

Comme tous les ans, Marie-José et Alain Boulay ont été invités par l’ANJAP à participer à ces débats.
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Conférence internationale sur le Syndrome du bébé secoué.

A Paris s’est tenue, du 4 au 6 mai, la conférence internationale sur le Syndrome du Bébé Secoué, à l’origine de nombreux décès d’enfants de moins d’un an, et de handicap pour des centaines d’autres. L’association y était représentée par Aliette Javary-Fiala.

Cette réunion, où étaient présents de nombreux médecins, experts, mais aussi policiers et magistrats de vingt-trois nationalités différentes, a permis de faire le point sur les dernières avancées en la matière. Il est désormais clair que des lésions très spécifiques permettent d’identifier des secouements extrêmement violents (et bien distincts des chutes ou des manœuvres de réanimation) comme étant à l’origine de traumatismes crâniens.
La prévention passe par des efforts accrus d’information auprès des professionnels, des assistantes maternelles et des parents, pour que ceux-ci, face aux pleurs continuels d’enfants et à l’exaspération que cela peut provoquer, sachent laisser le bébé seul, et appeler à l’aide, plutôt que de se laisser aller, submergés par leurs émotions, à ces actes violents.

La meilleure connaissance de ce syndrome devrait aussi entraîner une augmentation des réponses judiciaires adaptées, notamment en cas de décès, ce qui reste une des préoccupations de l’APEV contactée par certaines des familles concernées.
 

 














Cet article provient de APEV, Aide aux Parents d'Enfants Victimes

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